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Le peintre Théodore FOURMOIS 1814-1871

Le peintre Théodore FOURMOIS 1814-1871 1



Cliché TAB007

 

À Presles, en l’an mil huit cent quatorze, le deux octobre, vers les sept heures du matin, dans un vieux logis de village, venait au monde Théodore-Joseph Fourmois.

Son père, Alexandre Fourmois, douanier en service actif et sa jeune épouse Joséphine Paquet, étaient venus habiter Presles, par suite d’une nomination qui le chargeait de desservir le poste de la première ligne de douane établie dans cette localité.

La naissance de cet enfant apporta-t-elle le bonheur dans ce modeste et jeune foyer ? Il y a lieu de croire que la joie des parents fut comblée en ayant un fils à chérir bien que la position de cette famille, lorsqu’elle habita Presles, fût loin d’être aisée.

La période d’enfance de Théodore est assez confuse et bien des histoires ont été brodées sur ses premières années. Sa mère, une femme intelligente et bonne, est morte alors qu’il avait 3 ans ; c’est à peine si l’enfant a connu les tendresses maternelles. Ce fatal événement sera funeste et marquera toute la vie du grand peintre.

Enfant, Fourmois est livré le plus souvent à lui-même, poussant comme une fleur sauvage, à la grâce de Dieu ; il mène une vie quasi indépendante et personnelle dont on retrouvera plus tard tous les caractères dans sa carrière d’homme et d’artiste.

Si Fourmois a vécu sa vie retirée, presque défiante au regard de la société, le secret est là : confiné dans le giron maternel dès sa tendre enfance, il en subira toujours le souvenir et l’influence.

Ne sont-ils pas plus patients, plus délicats, plus assidus les soins d’une mère ? De ce temps si court, Fourmois conservera toujours un souvenir vivace. Presles, son vieux Presles, celui que nous n’avons pas eu le bonheur de connaître, combien de fois ne l’a-t-il pas par­couru dans ses jeux et ses promenades vagabondes ? Les venelles avec leurs maisons toutes de guingois lui sont familières ; la magnificence du château, son parc et ses hautes futaies l’ont souvent retenu en extase et ébloui, le laissant là, seul et rêveur devant l’œuvre grandiose de la nature.

Fourmois n’oubliera jamais son village natal ; approchant de la cinquantaine et faisant un séjour à Presles, il restera encore sous l’impression de ces grands et superbes arbres qui se retrou­vent dans ses tableaux et sont des souvenirs du parc.

Théodore a près de dix ans ; un changement, non pas de ses habitudes, mais de résidence, va se produire pour l’adolescent. Son père, veuf, qui n’avait qu’un simple emploi de douanier, perdit sa place et tomba dans le dénuement le plus complet. Cette situation provoqua leur départ du village de Presles, pour tenter la chance de faire fortune à l’étranger. Privé de son emploi, sans sous ni maille et n’ayant aucune aptitude professionnelle, on retrouve le père Fourmois échoué à Bruxelles avec son enfant. On ne saura jamais dans quel état de misère vécurent ces deux réprouvés de la vie. Ce sera après maints déboires, de nombreuses démarches et tribulations dans la capitale, que le père Fourmois trouvera de quoi gagner leur pain quotidien au contrôle d’entrée du Théâtre de la Monnaie. Leur exode ne sera pas favorable à leurs espérances et une fois de plus, la misère s’acharnera sur ces malheureux. Le vieux Fourmois ne pourra pas conserver sa place et se trouvera de nouveau réduit au triste et lamentable état « du Juif-Errant ». Un jour, dans les taillis du bois de la Cambre qui leur servent de refuge, la police se saisira de leurs personnes pour les conduire dans un dépôt de vagabonds.

Qu’a fait le jeune Fourmois pendant ce temps dans la capitale ?

Toujours livré à lui-même, il erre au hasard de sa fantaisie. Nous ne le voyons pas, comme les enfants de son âge, suivre les cours de l’école communale ; il est complètement dénué de toute instruction. Cependant, ces courses dans le Bruxelles d’il y a plus d’un siècle et la solitude du bois de la Cambre eurent-elles une influence sur l’esprit précoce du maître qui allait se révéler dans un proche avenir ? Car, à cette époque, Fourmois, livré à lui-même, rêveur et déjà penseur, montre de grandes dispositions pour le dessin. Il crayonne n’importe quoi, partout et sur tout.

Son père avait un violon d’Ingres ; il dessinait à ses moments perdus ; le fils a le même pen­chant que lui. Est-ce un passe-temps ou une vocation ? Nul ne le sait encore, mais…

Après un laps de temps assez court au sujet duquel les renseignements précis font défaut, nous trouvons Fourmois au travail. Théodore a treize ans tout au plus, et des artistes - non pas des peintres, mais des musiciens dont l’histoire n’a conservé que les noms de MM. Defossez et Michelot - frappés de l’état de dénuement dans lequel vit l’enfant, et de ses grandes dispositions pour le dessin, se chargèrent de le recommander en le mettant en apprentissage.

Vers 1826-1827, rue Royale, M. Dewasme-Pletinckx, vient d’ouvrir un établissement de lithogra­phie. Les protecteurs de Théodore, soucieux de faire une bonne action en procurant du bien-être à cet enfant, le confièrent à la direction qui l’employa à des travaux de dessinateur. Comme ce grand garçon était gauche, démuni de tout, autant que d’instruction, Mme Dewasme lui prodigua des soins maternels comme s’il eut été son fils et l’envoya à l’école.

Ce sera dans cet atelier de la rue Royale que le nomade de jadis couchant à la belle étoile, sous les grands arbres, après des courses vagabondes, acquerra le goût et la passion du dessin. Nous avons dit que son père était dessinateur ; il n’était certainement pas doué au point de posséder un talent en cet art ; à plus forte raison le jeune Fourmois ne devait-il posséder que de rudimen­taires notions de dessin lesquelles, suivies de ses premières inspirations, devaient néanmoins éveiller ses vraies dispo­sitions.

Pendant son séjour en cet établissement et ses longues journées de travail - car Fourmois se montre déjà à cet âge un grand travailleur - il aura l’occasion de rencontrer des artistes de renom, tels que Lauters, Madou, puis, plus tard, Stroobant, Billoin, etc.

Devant des maîtres de la peinture et du dessin, ce jeune homme de moins de vingt ans saura étonner son monde, non seulement par ses rares aptitudes, mais aussi par son besoin d’indépendance, d’affranchissement de toute règle tracée.

Sa méthode de travail un peu lente impatientait son entourage surpris bientôt du résul­tat. Pour Fourmois, ce qui le frappait d’abord c’était le détail ; il n’arrivait à l’ensemble qu’avec effort, mais d’une façon certaine. Très tôt, ses réalisations stupéfièrent tout le monde par le mépris qu’il affichait pour les règles tracées ; il étonnait par son besoin d’indépendance, son sans-gêne et ses manières sans-façon, tant dans son travail que dans sa personne. En recueillant Fourmois, M. Dewasme ne devait pas rendre seulement service à un enfant abandonné ; il élevait celui qui, plus tard, allait don­ner tant d’œuvres magistrales à la Belgique artistique.

En cette première moitié du XIXe siècle où la lithographie était dans toute sa splendeur et alors que les arts renaissaient dans notre pays, Fourmois se consacra tout entier à la lithographie en déployant son talent.

Lui seul réussira à reproduire par la lithographie toute la série des paysages à l’eau-forte de Rubens. Ses gravures sont si parfaites que le grand-maître de l’école flamande aurait trouvé en lui un digne interprète. Plus tard, dans ses tableaux de paysages, il semble s’en être inspiré car on a l’impression d’y retrouver quelque chose de la majesté des paysages rubéniens.

La Révolution belge l’a surpris à Bruxelles ; ami et collaborateur de Madou, ils composeront et publieront ensemble ce fameux recueil d’illustrations rappelant des scènes de la Révolution, pré­lude à l’indépendance de la Belgique.

En 1833, son protecteur M. Dewasme, fit paraître une collection de Vues de Spa, planches de toute fraîcheur dues au crayon de l’artiste. Un peu plus tard, sortira une collection de Vues du Rhin qui n’a rien à envier à la précédente.

À côté de la lithographie, Fourmois s’exerça d’abord à l’aquarelle, à la peinture à l’huile ensuite. Ses premiers essais sont des tâtonnements incertains ne révélant qu’imparfaitement le grand coloriste ultérieur. Fort de ses aptitudes personnelles de dessinateur, quoique n’ayant aucune notion de perspective, il sait d’instinct donner aux lignes, des proportions d’une exactitude si frappante que la géométrie n’aurait rien à y reprendre.

Dès cet instant, le lithographe Fourmois va se consacrer à l’art difficile de la peinture. Pendant tout un temps ce sera une foule d’essais, d’études, et une débauche de couleurs jusqu’au jour où enfin il obtint un succès ; récompense bien méritée pour la somme de courage, de travail et de persévérance qu’il dépensa pour percer dans cet art. Ce fut, en 1835 ou en 1836, que pour la pre­mière fois, il parut dans une de nos grandes expositions de peintures, et son essai fut une révélation. Dans un petit tableau, une vue de l’étang de Hoeilaart, Fourmois, l’excellent dessinateur, venait de se révéler un grand peintre. La même année, au Salon de Bruxelles, il affrontait le public et la critique, en exposant un tableau Site dans les Ardennes, œuvre remarquée où s’affirmait sa vocation de peintre de paysage.

Théodore Fourmois a été un travailleur infatigable, sérieux et a appartenu à cette catégorie de gens consciencieux pour lesquels une chose voulue ne peut souffrir aucune défaillance. Certains ont quelquefois reproché au peintre une interprétation trop savante, par suite recherchée ou trop per­sonnelle. Fourmois voyait bien la nature, il la vivait, la sentait en lui-même, sachant choisir les sujets de ses tableaux et en tirer tout le parti possible.

Paysagiste, il composait en disciple des grands Hollandais du XVIIe siècle, avec une couleur séduisante et riche dans ses harmonies assourdies. D’autres ont dit qu’il a subi l’influence de Wynants, de Ruysdael, de Hobbema ; ses « amis » qui l’ont si souvent tourmenté. Et pourtant, si l’ordonnance du paysage rappelle encore Hobbema par ses groupes d’arbres surplombant une masure ou un mou­lin, Fourmois fut l’un des premiers, après de Jonghe, à s’inspirer directement de la nature.

Ce fut l’un des promoteurs de la peinture en plein air et l’un des rénovateurs du paysage réa­liste. À son avantage, il fut l’un des paysagistes belges à ne pas se jeter à la suite de l’école fran­çaise.

L’étonnement fut général de voir un peintre abandonner les ruines romaines et les sites alpestres. Fourmois, peintre hennuyer, wallon, a su résister et démontrer à tous que la Campine et l’Ardenne offraient à celui qui sait les découvrir des sites aussi riants, aussi beaux que ceux qu’on courait chercher en Suisse ou en Norvège, « qu’un moulin dans un bouquet d’arbres ou une mare d’eau valent une montagne de neige au-dessus d’une forêt de sapins ou les lacs bleus de l’Italie ».

Son passage parmi ses contemporains a été excellent ; on peut dire qu’il est réellement le père du paysage national ; il a, l’un des premiers, aimé et fait aimer les campagnes flamandes et wal­lonnes que l’on avait jusqu’alors méprisées pour leur préférer les sites étrangers. Son plaisir extrême était de peindre, à Dinant, de vieux logis de bois aujourd’hui disparus, ou à enfermer dans un petit espace les vastes horizons ardennais. La plus grosse partie de son œuvre n’est qu’une suite de pages extrêmement vivantes de notre beau pays wallon.

On a dit – mais que n’a-t-on pas dit des artistes ?- que Fourmois eut des hauts et des bas ; rares sont ceux qui oseraient prétendre n’avoir jamais, au cours de leur vie, subi un revers et être toujours restés tels. Notre peintre a connu une vie accidentée dont on retrouve la trace dans ses œuvres. Élève de l’école du malheur et de la misère, le petit paysan de Presles n’avait pas la quiétude cons­tante et les sourires de la fortune pour se grandir et c’est là le secret de son succès, de son talent. Car le secret de Fourmois, disait un homme, un grand artiste dont l’histoire n’a pas retenu le nom, son bonheur est de n’avoir pas eu de maître. De lui mieux que de personne, on peut dire qu’il ne devait tout qu’à lui-même. Il ne fut jamais que lui-même.

Il n’a jamais été « comme un autre » ; son portrait, nous l’empruntons tracé par un de ses contemporains. « Peu de personnes peuvent dire qu’elles l’ont beaucoup connu. Il vivait en-dehors de tous les mondes ; il avait son monde à lui tout seul, en lui-même. Son extérieur tout naturellement exprimait cette nature étrange. C’était un homme long et sec, qui marchait par grandes enjambées et rarement en ligne droite. Son petit visage était drôle, il y avait dans ses petits traits l’irrégularité et l’inattendu qu’on constate dans ses œuvres. Sa barbe clairsemée figurait un groupe de buissons épars. Il avait de petits yeux très vifs ; une moustache mince, drôlement plantée, ombrageait une petite bouche cocasse qui souriait volontiers. Son air était celui d’un bonhomme inoffensif. Il a dû être absorbé par la peinture pour s’intéresser beaucoup à autre chose. Si jamais il a discuté de questions politiques, philosophiques ou morales, ce n’a pas été avec une suite d’idées et de principes bien nets et sensés selon l’acception ordinaire de ce mot ».

Après nous avoir fait faire connaissance de l’homme, Monsieur Émile Greyson nous conduit chez l’artiste.



« L’intérieur du grand artiste était simple, modeste et, fait caractéristique, il n’eut jamais d’atelier : point de ces rideaux glissant sur les tringles, tombant dans tous les sens, ménageant le jour ou changeant les dispositions de la lumière. À peine quelques objets d’art. Une chambre ordinaire lui suffisait ; aucun apprêt, aucune mise en scène ».



Tel était Fourmois, l’homme et l’artiste. Pendant plus de trente années il peindra chez nous, hormis de petits déplacements dans le Dauphiné et en Allemagne.



Dans ses paysages « on sent que l’artiste est là, qu’il s’intéresse de tout cœur aux hommes et aux choses qu’il représente ». Devant la nature il était tellement troublé qu’il désespérait de la rendre telle qu’il la voyait. Ainsi que d’essais ne fit-il pas, changeant de manière, recourant à des pro­cédés nouveaux que la critique déroutée blâmait, ne tenant pas compte de ce qu’il avait de per­sonnel dans son travail. Les critiques de ses œuvres sont d’accord pour admettre que maintes de ses études sont quelquefois bien supérieures à certains de ses tableaux « il a été inégal », cela est incontestable, mais ses inégalités étaient semées de perles, tel son Moulin de la Campine, sa Mare, sa Vue des Ardennes ou sa Vue de la Campine, qui sont des chefs-d’œuvre.

De toute son œuvre qui a été jugée, commentée, nous ne dirons pas qu’elle est immense, mais qu’elle est très large ; nous avons cru bon d’en faire ressortir le principal avec les appréciations de ceux qui ont été appelés à le juger.

Dans son Moulin, il est parvenu à la beauté, à la lumière, à la profondeur qui est une des marques du génie. Étangs dans la Campine, belle composition, mais un peu heurtée dans le coloris.

Ses ciels sont cotonneux et lourds, sans profondeur, parfois comme dans son Moulin, d’une fluidité extrême.

Dans Marais près de Genk, l’accord entre le ciel et la terre est très juste et Vue du Dauphiné, admirable de profondeur et d’espace.

Il aimait beaucoup l’eau ; dans presque tous ses tableaux, il y a au moins une flaque qui réflé­chit un pan du ciel. Citons : La Mare, L’Étang, Étangs de La Hulpe, Le Marais, Mare avec bouquet d’arbres dans la Campine, Les Bords de l’Amblève, Vue près du lac de Beldec, L’Écluse du Hoyoux, d’une admirable exactitude, mais il faut blâmer une eau… qui n’en est pas une (sic).

Il excellait dans la représentation des arbres. Ils ont toujours de grandes proportions comparati­vement à l’homme. Ils ne sont pas plus grands que ceux qu’on voit dans d’autres paysages, mais les proportions sont si bien harmonisées et si justes qu’ils apparaissent dans le tableau comme des objets de dimensions naturelles.

Site boisé avec moulin à eau : exécution simple, harmonie sobre empreinte de sérénité.

Grands arbres : Grand chêne près d’une mare, composition originale, site riant. Encore et encore : Chêne au bord de l’eau, Sous-bois, Les Chênes de Presles, Les Rochers de Presles. Nous relevons aussi : Route à travers la Lande, Route de Trois-Ponts à Stavelot, Environs de Bruxelles, Paysage à Rahier, Bruyères près de Genk, Un site à Voreppe, Pâturages près de Genk, d’une réalité extraordinaire ; Paysage vallonné, La Bruyère, Parc d’Enghien, exquise étude ; Paysage, Crépuscule, La Chasse.

Les œuvres qu’il a laissées sont répandues partout dans les musées et les collections particu­lières de Belgique et de l’étranger. Dans notre pays, s’enorgueillissent de posséder un ou plusieurs tableaux de ce grand maître, les musées de Bruxelles, Anvers, Liège, Bruges, Ixelles, Gand, Mons, Verviers. Le musée de Montréal possède une de ses toiles.

En 1848, il exposa une Vue prise dans le duché de Bade. Cette œuvre magistrale lui avait été commandée par le duc d’Arenberg, qui en possédait déjà plusieurs autres de lui dans sa galerie et qui a beaucoup fait pour Fourmois par l’intermédiaire d’un homme de goût, M. de Brou.

Un peu plus tard, en 1851, avec une réalisation remarquable, Moulin à eau, il remporta suc­cès et honneur. Cette œuvre lui valut les applaudissements du pays et la croix de chevalier de l’Ordre de Léopold. De ce tableau, le peintre fit une lithographie devenue rarissime et de grande valeur.

Âgé de quarante ans, il pensa au mariage en unissant sa vie et sa destinée à celle d’une demoi­selle du nom de Catherine-Joséphine Bouche. Dès ce moment, Fourmois qui avait toujours vécu solitaire, avait une compagnie, quelqu’un allait pouvoir aimer, soigner ce « grand enfant sau­vage » qu’il était. On ne pourrait tout raconter de ce que cette femme et épouse a été dans la vie du maître. Car elle, elle a vu ses efforts, elle l’a connu et l’a consolé dans ses peines et ses défaillances ; elle a été la confidente de ses espoirs, de ses rêves d’avenir et a assisté à ses triomphes.

En 1860, il peignit son grand tableau, Vue de la Campine, commandé par le gouvernement pour le musée de Bruxelles ; cette œuvre a été le succès de cette année et en 1863, Fourmois fut promu au grade d’officier de l’Ordre de Léopold ; c’est que d’autres tableaux, d’autres chefs-d’œuvre avaient été réalisés.

C’est entre ces années et, pour être précis, en 1862, que se place un épisode intéressant de sa vie, qu’il nous plaît de vous raconter.

Stroobant, notre excellent peintre d’intérieur de ville, avait été chargé par le comte Charles d’Oultremont de représenter la demeure seigneuriale, lorsqu’il suggéra l’idée que le magnifique parc méritait aussi d’être reproduit par la peinture. Fourmois seul, dans sa pensée était capable de se charger de ce travail. Il l’indiqua au comte et Fourmois fut appelé. Fourmois, l’homme farouche, le jeune paysan d’autrefois hésita. Qu’irait-il faire là ? Il finit par céder et on sut déployer tant de bonne grâce, le mettre si bien à l’aise, lui donner si bien l’illusion d’être chez lui, qu’il se surprit au milieu de cette société à en être le héros…

La reconnaissance envers son camarade se manifesta de façon touchante. Il ne savait com­ment, ni en quels termes le remercier. Il vint lui remettre un matin, d’un air hésitant et gauche, presque honteux, un petit tableau, un chef-d’œuvre et s’enfuit.

Ce fut à la suite de ce retour au village natal et des commandes de ses hôtes, les d’Oultremont, châtelains de Presles, que Fourmois peignit ces admirables tableaux que sont notam­ment : Les chênes de Presles, Les rochers de Presles et cinq autres vues du château et du parc.

Dans la représentation de ces tableaux, on sent que l’artiste est resté sous l’impression de la nature, rêvant devant le paysage de son enfance avant de fixer son œuvre sur la toile.

Quelques années plus tard, Fourmois fut atteint d’une maladie grave qui le condamna à un repos presque complet. Sa mâle énergie et la force de son caractère eurent raison du mal. Il s’était remis lentement au travail quand, en quelques jours, la mort impitoyable l’enleva le 16 octobre 1871, en sa maison, 48, rue de la Croix à Ixelles, à l’affection d’une épouse éplorée. Ce fut de la stupéfac­tion dans le monde artistique.

Ses dernières œuvres eurent l’honneur d’être exposées la même année au Salon de Gand. Il avait cinquante-sept ans ; un grand peintre venait de passer, mais, pour la postérité, son nom resterait attaché aux pages de l’histoire.

« On peut le mettre en ligne, disait Madou, le lendemain de sa mort, avec les premiers peintres anciens et modernes, aucun ne l’a surpassé ». Le jugement d’une telle autorité ne saurait être mis en doute ; d’autres l’ont confirmé. Cet éminent paysagiste, autodidacte, a été d’un réalisme plein de véri­té. Dans son œuvre, à la fois, il y a de la jeunesse, de la force, de la finesse et de la virilité, mais avant tout, elle reste d’une grande originalité et d’une profonde personnalité.

Telle a été la vie et l’œuvre de Théodore Fourmois, petit Preslois et grand maître de la pein­ture réaliste dont la commune de Presles et la Belgique tout entière ont le droit d’être fières. Elles peuvent s’enorgueillir de l’avoir vu naître, vivre et mourir chez elles.

Sources et bibliographie



Documents et manuscrits des archives communales de Presles.

Documents et manuscrits des archives de la Société Archéologique de Charleroi.

BÉNÉZIT, É. : Dictionnaire des Peintres et Sculpteurs. 1913.

Les Arts anciens du Hainaut. Salon d’Art moderne. 1911.

Le Livre d’Or de l’Exposition de Charleroi. 1911.

DES MAREZ, G. : Guide de Bruxelles. Les Musées.

SIRET, A. : Dictionnaire historique des Peintres. 2e édition. 1866. p. 325.

Exposition Universelle et internationale de Bruxelles, 1935. Cinq siècles d’art. T. 1, p. 135.

THORÉ-BURGERS : Les Salons. Études critiques et d’esthétiques. Londres 1862.

LEMONNIER, C. : L’École Belge de Peinture.

COLIN, P. : La Peinture Belge depuis 1830.

FIERENS, P. : Fourmois et le paysage romantique.

FIERENS, P. : L’Art en Belgique. Bruxelles 1947.

Du JARDIN, J. : L’Art flamand. Bruxelles 1897.

Dictionnaire des Peintres de la Maison Larcier, Bruxelles.

Musées Royaux des Beaux-arts. Bruxelles 1941, p. 25.

Cahiers de Belgique : De Fourmois à Vogels. Bruxelles, 1928, p. 41.

Illustration Européenne, 1871.

Illustration Nationale. La Belgique intellectuelle. 1880

Éducation Populaire. 1880, n° 50.

HARDY, J. : Chroniques Carolorégiennes inspirées des écrits de Clément Lyon. pp. 89-90.

Rencontres – Cahiers de l’Institut Provincial. Éducation. Loisirs. N°2, 1954, pp. 70-71.

Hommage à Théodore Fourmois, d’après mes notes, dans Cercle d’Art et de Littérature du canton de Châtelet. XXVe anniversaire. 1932-1957, p. 23.

Cercle Hutois des Sciences et Beaux-arts. T. XXI, 2e livr. 1937, pp. 181-182.

 

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