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La table des pauvres

La table des pauvres 1




Cliché DOC006

Origine des tables des pauvres

Dans les églises primitives, dit-on, il y avait des tables sur lesquelles les fidèles pouvaient déposer leurs offrandes de denrées alimentaires données pour les pauvres, le curé s’occupant de leur distribution aux indigents.

 

Archives des communs pauvres de Presles

Les archives de Presles ayant été détruites en 1940 par un bombardement allemand du Dépôt des Archives de l’État, à Mons, il ne nous reste plus rien pour nous documenter, sinon trois registres paroissiaux en mauvais état de conservation.

Dans le grenier de l’ancienne maison communale, sise rue du Pont, à Presles, nous avons découvert un tas de documents manuscrits, sans ordre de classement.

Parmi ces manuscrits, jaunis par le temps, nous avons pu recueillir quelques documents concer­nant la Table des Pauvres de Presles, le plus ancien datant de la fin du XVIe siècle.

Néanmoins, avec ce que nous avons pu trouver, il sera possible d’avoir une idée de ce qu’était la « Table des Pauvres » au cours du régime féodal, avant que l’organisme d’aide aux pauvres soit supprimé à la fin du XVIIIe siècle, sous la Révolution française.

 

Administrateurs de la Table des Pauvres

Sous l’ancien régime, depuis sa fondation, la Table des Pauvres a été dirigée par le curé de la paroisse.

Le curé était le grand maître qui gérait les biens des pauvres. Ses fonctions étaient supervi­sées par l’archidiacre de Hainaut, qui avait un droit de regard sur la gestion des biens des pauvres. Il pouvait donner son avis, promulguer des ordonnances et des règlements pour l’organisation de cette œuvre de charité publique.

Comme nous ne savons pas quand une Table des Pauvres fut établie à Presles, il nous est aussi difficile de donner, vu la rareté des archives de l’Église, la liste des curés qui furent en fonctions, du moins ceux d’avant le XVIe siècle.

Ont été directeurs de la Table des Pauvres :

  • Adrien Courtain, demeurant à Prelle, l’an 1542 ;

  • Jacque Varlet, curé en 1587-1588 ;

  • Laurentius Dermay, de Rochefort, admis à la cure de Presles en l’an 1600 ;

  • Magister Martinus Hubault, admis le 20 novembre 1600 ;

  • Frater Bernardus Fouma, admis le 2 août 1602 ;

  • Sire Pierre de Gland, admis en 1603 ;

  • Jacobus Spalart, cité en 1635, notaris ;

  • Ernest Lacroix, curé en 1652 ;

  • Noble Maître Martin Scaillet, cité en 1673 ;

  • Dominique Baudry, pastor et persone loci de Prele moto decarnus concili Castilloto 1682-1699 ;

  • Henri Jackmar, curé de 1709 à 1722 ;

  • Jean-François Helwart, curé de 1732 à 1737 ;

  • Alexandre-Joseph Zoude, curé et persone de Presles 1746 à 1804.

 

Le seigneur de Presles

Il pouvait intervenir dans les affaires concernant les pauvres.

Son représentant, d’abord appelé « Officier », ensuite au XVIIe-XVIIIe siècle, « Intendant », était l’agent tout puissant du seigneur et avait les mêmes droits que son maître.

Ils pouvaient présenter un candidat pour remplir la charge de « mambour des pauvres ».

Leur présence aux assemblées, à la reddition des comptes, était gratuite.

N’ayant pas de document d’avant le XVIe siècle, nous ne pouvons affirmer si les seigneurs primitifs de Presles intervenaient dans les affaires des pauvres.

Nous savons que les seigneurs des Maisons d’Havrech et Lierneux y assistaient, étant emprunteurs d’argent des pauvres et payant des rentes en argent et en nature (grains).

 

La Cour de Justice

Appelée par certains « Le Magistrat », les hommes de la Cour de Justice, composée d’un mayeur et de cinq, parfois sept « eschevins », ne travaillaient pas « gratis pro Deo » quand ils avaient à faire pour la Table des Pauvres.

Lors de la reddition des comptes, lors des procès ou autres œuvres de loi, ils étaient rémuné­rés selon leur temps de vacation.

Ils pouvaient aussi présenter un candidat pour la place vacante de mambour.

 

Le Mambour des Pauvres

L’administration de la Table des Pauvres fut confiée au curé paroissial, comme nous l’avons dit ci-avant.

Il apparaît qu’au début de l’institution, le curé était assisté d’un proviseur laïc, autrement dit, une personnalité capable d’administrer. Plus tard, il sera reconnu « mambour » des pauvres et devien­dra leur « receveur ».

En principe, le mambour ou receveur était choisi par le curé, mais le Seigneur du lieu et le Magistrat pouvaient présenter un candidat.

À son entrée en fonction, il devait prêter serment par-devant le Seigneur ou son officier, les hommes de la Cour de Justice et le Curé.

Il était nommé pour un an et devait, à sa sortie, rendre ses comptes par-devant les mêmes autorités. Le mambour pouvait être maintenu dans la place pendant plusieurs années.

Ce fonctionnaire devait savoir lire et écrire, connaître les lois, les règlements émanant de ses supérieurs. Outre le curé, le seigneur du lieu et le magistrat, il y avait encore les Hommes de la Haute Cour de Justice de Liège et du Souverain, le Prince et Évêque de Liège ; la localité de Presles ressortissant à la Principauté de Liège.

À son entrée en fonction, le mambour devait établir son registre de comptes des recettes et des dépenses. Sur la première page, il écrivait la formule rituelle, comme s’ensuit :

« Registre des biens, rentes, revenues et redevabilités dosnées et partenantes aux Communs povres, de presle eschéantes chascun an au ijour St Andrieu 1 aposthre receupt et livré par (nom du mam­bour) esleu mambour desdicts povres par les curés et ijustice dudict lieu et c’est pour ung an enthier commenchant audict ijour St Andrieu et parfinissant audict ijour an ».

Lors du dépouillement des manuscrits, dans le grenier de l’ancienne maison communale, nous avons eu la chance de trouver un feuillet tout jauni, sur lequel une main inconnue avait écrit les noms des mambours des XVIe-XVIIe et XVIIIe siècles.

Cette nomenclature, sans autre indication, nous faisait connaître la succession des mam­bours, et l’année où ils étaient en fonction. S’ensuit donc :

1585 : Adrien le Roy

1587 : Jehan Thomas

1601 : Nicolas Crampe

1612 : Martin Scisair

1665 : Piere Renson

1666 : Lamber Ghise

1667 : Jehan Laurent

1668 : Gilchon Lanooz

1669 : Mathieu de Landris

1670 : Nicolas Gabloz

1671 : Jean Vohier

1672 : Jaque Lurquin

1673 : Jean Wauthier dit Cuvelier

1674 : Nicolas Crampe

1675 : Pierre Hubert

1676 : Jean du Chauffier

1677 : Jean Mahy

1678 : Jean Quinart

1679 : Jean Wauthier dict le Borgne

1680 : Paul Binon

1681 : Nicolas Bavez

1682 : Gabriel Moraux

1683 : Nicolas Keuwez

1684 : Jaque du Verbocgnier

1685 : Roegnier Giettez

1686 : Piere Lurquin

1688 : Gorge Debande

1689 : Jean Herman

1690 : Martin Gille

1691 : Augustin Martin

1692 : Antoine Jaspar

1693 : Sacré Martin

1694 : Augustin Martin

1695 : Jean Staingnier

1696 : Martin Goffaux

1697 : Jean Fièvre

1698 : Jean Lebon

1699 : Bartholomé Wauthelet

1700 : Huber Logquier

1701 : Huber Kaisin

1702 : Théodore Bourlet

1703 : Jean Mahy

1704 à 1707 : Nicolas Tilmant

1708 : Théodore Mathy

1709 : Pierre Hermant

1710 : Théodore Mathy

1711 : Pierre Paquet

1712 à 1715 : Théodore Mathy

1716 : Nicolas Roland

1717 : Feuillen Lurquin

1718 à 1719 : Théodore Mathy

1720 : Jean Jacquet

1721 à 1723 : Gabriel Mouraux

1724 : Piere Pierard

1726 à 1732 : Théodore Mathieu, père

1736 : Joseph Hauteis

1733 : Jean Mathieu

1736 : Hubert Evrard

1739 : Pier Piret

1740 : Piere Joseph Marque

1741 à 1744 : Jean Mathieu

1745 à 1756 : Théodore Mathieu, fils

1757 à 1760 : Raoul Kinart

 

Le mambour des pauvres était rémunéré selon le chiffre d’affaires, c’est-à-dire selon que les recettes en argent et en nature (grains) étaient plus ou moins importantes.

Le mambour recevra pour gages le vingtième des revenus, tant grains qu’argent. Il pouvait aussi percevoir pour ses vacations, « lettrages » écritures, demandées par certains qui désiraient avoir une copie d’un acte authentique, une certaine somme d’argent, équivalente pour le papier timbré, le temps de vacation passé à la rédaction.

Il y eut de bonnes et de mauvaises gestions, faites avec soin ou négligence, il y eut même des procès et des révocations.

 

Organisation et Administration

Dans notre village de Presles, la Table des Pauvres, organisme officiel de charité publique, était, en principe, placée sous la surveillance du Seigneur, du Curé et de la Cour de Justice, autorités reconnues légales par le Prince-Évêque et la Haute Cour de Justice de Liège.

Nous disons, en principe, car, dans la réalité, c’était le curé de la paroisse qui en était le grand maître.

Cette institution sauvegardait les droits des malheureux en protégeant les legs dus à la cha­rité publique ou à la générosité de certains qui abandonnaient leurs biens, tout ou en partie, aux pauvres.

L’administration fut donc confiée au curé assisté d’un mambour ou receveur.

Les biens et capitaux que possédaient les « Pauvres » étaient généralement placés en rentes qui, suivant les actes de constitution entre les parties, devaient produire un intérêt, soit une rente en nature (grains) ou en argent.

Dès le XVIIe siècle, les legs et les donations deviennent une habitude. La lecture des testa­ments montre bien que, dans les dernières volontés, les pauvres ne sont pas oubliés.

À Presles, les recettes deviendront importantes, mais les dépenses suivront le même courant. La raison en est que le nombre d’habitants augmentera dans le chef-lieu de Presles et dans ses dépen­dances de Roselies et d’Evresquoy (Bas-Sart).

Emprunter de l’argent aux « Pauvres » peut paraître paradoxal, et pourtant il en était bien ainsi.

L’argent provenant des legs laissés par les bienfaiteurs était placé en rentes, sous forme de prêts. Les capitaux produisaient un intérêt qui, lui aussi, augmentait l’avoir des « Pauvres ». C’était, en somme, un capital placé à intérêt composé.

Le revenu, en tout ou en partie, était distribué sous forme de secours, soit en nature ou en argent.

Les capitaux ne pouvaient être employés à d’autres fins, sinon qu’à de très rares exceptions.

Nous verrons plus loin ce qu’il est advenu des biens laissés par nos ancêtres à leurs conci­toyens vivant pauvrement, et ce, pour diverses raisons, qui ne sont pas toujours celles qu’on aurait pu croire.

Les Registres des Mambours

Au sens propre du mot « registre », c’est un livre public ou privé, où l’on inscrit certains faits ou actes dont on veut conserver le souvenir.

Les registres des mambours de Presles sont tout simplement des feuillets de papier de +/- 30 cm de long sur 21 cm de large, fabriqués à l’époque de leur emploi.

Les mambours écrivaient avec de l’encre noire ou brune, les recettes et les dépenses de la Table des Pauvres.

Nous remarquons que le mot « CARTULOIR » est écrit pour qualifier le registre. Jadis aussi, le mot « CHASSERAU » fut employé.

Note : le Dictionnaire d’ancien français, de Gransaigne d’Hauterive, ne donne pas ces mots, qui datent du XVIe siècle, sinon avant.

Nous pensons que « CARTULOIR » correspondrait au mot « CARTULAIRE » (recueil des titres relatifs aux droits temporels d’une église, d’un monastère).

Dans notre cas, le « CARTULOIR » doit se comprendre pour le registre où sont retenues les recettes et les dépenses de la Table des Pauvres. Le mot « CHASSERAU » indiquerait la même chose que le synonyme cité ci-dessus. Nous pensons que ce mot proviendrait de « CHASSE » ou « CACHE », comme il est parfois employé dans l’expression « Chassez les tailles », c’est-à-dire « recher­cher, prendre, lever, enregistrer les recettes et les dépenses ».

Ici à Presles, nous n’avons pu découvrir que quatre comptes de la Table des Pauvres. Depuis son institution jusqu’à sa dissolution, nous aurions dû en retrouver quelques centaines.

Ceux que nous avons pu copier datent du XVIe siècle. Ils doivent être au dépôt aux Archives Communales d’Aiseau-Presles.

 

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Commentaires

 

Les deux registres des comptes de la Table des Pauvres de Presles, de la fin du XVIe siècle, des mambours Andrien le Roy et Jean Thomas, donnent déjà une idée de ce qu’était cet organisme charitable.

La lecture de ces comptes nous apprend beaucoup de choses concernant la vie de nos ancê­tres, usages et coutumes qui se sont perdus.

Nous avons tenu à respecter la graphie des scribes de cette époque.

 

*****

 

Selon les écritures des mambours, tout le monde, qu’il soit riche ou autrement, nous ne dirons pas pauvre, peut emprunter de l’argent à la Table des Pauvres, moyennant des garan­ties du paiement des intérêts (rentes) et du remboursement des capitaux empruntés.

C’est ainsi que des seigneurs de Presles, de la famille Havrech (nous en reparlerons plus loin) empruntent de l’argent à la Table des Pauvres.

Le Curé, maître de l’organisme, emprunte aussi de l’argent.

L’abbaye d’Aulne, l’abbaye d’Oignies (Aiseau), au nom du prieur et du Couvent, ont aussi emprunté de l’argent, dont des tierces personnes payent les rentes.

Parmi les emprunteurs cités et enregistrés, il y a de nombreux Preslois et Presloises et aussi des étrangers de Roselies, de Tamines, de Chastelet, de Sart-Eustache, etc., tous de diverses condi­tions sociales, payeront des rentes aux pauvres, pour de l’argent donné en prêt.

Les noms de ces anciennes familles établies à cette époque, nous pourrons les retrouver, soit eux-mêmes ou dans leurs descendants, consignés dans les registres paroissiaux de Presles, ceux-ci datant et débutant en l’an 1612.

Les registres manuscrits font savoir que les rentes peuvent être payées avec du grain. À cette époque est accepté l’épeautre, espèce de froment dont le grain est petit et noir.

Il sera distribué tel quel ou converti en farine pour en faire du pain blanc.

On trouvera la graphie « espaulte », « spelte », ou tout simplement « spt », les scribes du temps passé sachant à quoi s’en tenir pour leurs abréviations.

L’épeautre est accepté en paiement de la rente en précisant les mesures en vigueur à cette époque, soit :

  • Le Muid ou M = Md ou muis valant 240 litres 090880 pour matière sèche, dont les mesures divi­sionnaires.

  • Le Doussin = 12e partie du muis = 20 litres 475079

  • La Quarte = un quart de setier valant 7 litres 677890

  • Le Wijctain = vaut une demi quarte

  • Le Muis de Liège est employé, il vaut 8 setiers.

Les rentes en argent seront payées au florin Brabant-Liège, valant vingt patars. Le patar, aussi appelé sol, vaut la 1/20e partie du florin.

Le denier vaut la 24e partie du patar ou du sol.

L’heaume vaut la 25e partie de la maille de Hollande, appelée liard = 2 ½ cent.

Le vieux gros valait deux aidants ; un aidant étant égal à un liard.

Un seul article des registres stipule que la rente sera payée avec un chapon (un coq castré) dont il est fait mention dans les anciens documents.

 

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Parmi les emprunteurs, peu de professions sont citées.

Néanmoins, nous relevons des noms de famille écrits en deux mots, l’article « le » avant la profession. Par exemple, « le carlier » indiquerait un maître ou un ouvrier exploitant ou travaillant dans une carrière, « le masson » se rapporterait au métier de maçon, « le marlier » serait celui qui sonnait les cloches de l’église (en wallon li maurlî), « le marchal »ou « marisale » indiquerait un maré­chal-ferrant, « le tamboureur » pourrait être l’homme que la Cour de Justice chargerait d’annoncer ses ordonnances au son du tambour ; « le soudat », probablement un homme qui a fait du service mili­taire ; « le porchier » serait un serviteur de la Communauté qui gardait la « herde porcine »,les porcs au pâturage ; « le censier de rochelies ou rozheillies » se comprend pour le « cinsi » qui cultivait les terres et les prés de l’abbaye d’Oignies, à Aiseau, ayant un complexe agricole à Roselies.

 

*****

 

Les capitaux (argent) empruntés aux Pauvres doivent être remboursés à intérêt. L’emprunteur doit fournir bonne et suffisante caution pour pouvoir payer les rentes tous les ans. Il est fait mention que la rente est assise « sur tous ses biens » ou « sur sa maison » ou « sur une terre » ou « sur tous ses heritaiges présents et à venir ».

Tout ceci ne nous renseigne pas où les biens se situent dans la localité. Le mot « heritaiges » doit se comprendre au sens général, de tous les biens présents et futurs (à venir) des emprunteurs.

Peu de lieux-dits sont consignés dans les registres et, une chose très importante que nous n’avons pas trouvée, ce sont les actes de constitution des rentes, ce qui nous aurait permis de connaître les sommes d’argent empruntées aux pauvres.

À remarquer que les chiffres et les nombres sont en lettres minuscules et majuscules. Par exemple :

I = 1 II = 2 III = 3 IIII ou IV = 4 V = 5 VI = 6 VII = 7 VIII = 8 VIIII ou IX = 9 X = 10

XI = 11 XII = 12 XIII = 13 XIIII ou XIV = 14 XV = 15 XVI = 16 etc.

La lettre X = 10 L = 50 C = 100 M = 1000

On trouvera par exemple M VC LXXX VI = 1000 + cinq cents + quatre fois vingt + six = en tout 1586.

*****

 

Les articles des registres des années 1612-1665-1686, que nous avons eu la chance de décou­vrir dans les vieux papiers entreposés dans le grenier de l’ancienne maison communale, rue du Pont à Presles, donnent sensiblement les mêmes manières d’administration de la Table des Pauvres, peut-être un peu plus évoluée, dans la rédaction des faits et gestes.

Les emprunteurs ont succédé à leurs ancêtres, certains payant des rentes en grains et en argent pour des capitaux empruntés depuis deux siècles.

Le mode de distribution aux pauvres n’a guère évolué, il se fait dans les circonstances suivan­tes : quand les habitants du village sont malades, indigents, vivant dans la pauvreté.

De ces registres, nous extrayons ce qui nous a paru le plus intéressant et particulier.

 

De la manière de la perception des rentes :

L’emprunteur fait seul en son nom le paiement des rentes.

Quelques exemples :

En 1585 :

  • Noble et honoré seigneur Andrien de Haversche, seigneur de Presles, doit chascun an ausdicts povres de Presle, de rente au dict jour St. Andry, icy, six muids de spelte (épeautre).

  • Au nom des religieux, prieur et couvent d’Oignies, le censier de Rossilly paye les cinqs quatres au huitain de spelte.

  • De la mesme année, le curé et personne de Presle paye iiij (4) patars.

  • Jehan Rigaux, pour abvoir emprunter iiij florins paie icy iiij patars par an.

 

En 1612 :

  • Noble et généreux seigneur messire Jehan de Haverech, chevalier, seigneur de ce lieu, doibt chasquin an audicts povres de Presle, icy, X (10) muids de spelte.

  • Le censier de Rossily au nom du couvent d’Oignies, paye une quarte au huittain d’espaultre.

  • La vefve Piere Bastin, de Châtelet, doibt au lieu des religieux, abbé et couvent d’Alne, icy, vj huit­tains et demy de spelte.

  • Le seigneur de Presle, doibt encoir sur le terre martin le saubier, emprès le champeau, icy X patars.

  • Jehan Gille et sa femme doibt pour trengte six florins brabant, icy iij florins.

 

En 1685 :

  • Le seigneur de Lierneux, Jean Baptiste, doibt à la Table des dicts povres, chaque année au iour st andrieu, sur tous ses biens, contés en espaulte qui se payent par ses fermiers, icy dix muids.

  • Lambert Hublet, fermier du seigneur de Presle, paye par assignation sur le st andrieu, neuf muids et demy, accepté.

  • Le Sgt Desmanet du Sart (Eustache) doibt j (un) muid.

  • Le seigneur d’Acoz, doibt j chapon, icy J patar xij deniers.

  • Le seigneur baron de Preles, sur la généralité de ses biens, doibt et paye aux povres dudict lieu dix muids de speaute que le fermier de la grande cense payera en son nom.

  • Joseph Anceau, censier de Rossilly, doibt et paye quattre huittains d’espaute affectés sur la cense au nom du monastère d’oignies.

 

Note : les seigneurs de Presles, de la maison de Havrech, empruntaient de toutes parts, mais ne pouvaient rembourser les prêteurs. Il arriva que les deux derniers seigneurs d’Havrech, Johan, Prévoy le Comte à Valenciennes, et son fils Andrien, baron de Roselies, seigneur de Presles et d’Aische en Refail, furent si endettés, leurs seigneuries tellement hypothéquées, qu’ils durent se résoudre à vendre leurs biens.

Cette rente de dix muids d’épeautre, dont le capital-argent emprunté aux pauvres de Presles date du début du XVIe siècle, ne fut remboursé, majoré des intérêts, que vers la moitié du XVIIIe siè­cle, par le seigneur de Lierneux, seigneur et baron de Presles.

Le temps qui s’est écoulé depuis la date de l’emprunt jusqu’à celle de son extinction, nous laisse rêveur quant à l’énorme quantité de grains qui a dû être fourni.

Les religieux d’Oignies et d’Aulne sont, à peu de chose près, dans le même cas.

Il nous est difficile de comprendre les raisons pour lesquelles un emprunt d’argent traîne de si longues années avant son remboursement.

 

*****

 

En cas où l’emprunteur décédait, ses héritiers « remanants, représentants » étaient tenus de payer les « canons » intérêts arriérés ou à échoir.

 

En 1585

Henry de benge, et noel le baillereaux qui doibvent comme représentants de Jehan Lurquin sur ses heritaiges que tient icelluy, icy IX dousins de spelte.

 

En 1612

Jehan Gille, représentant Mahy Gilson, père, paye sur tous ses heritaiges, que tient d’icelluy, icy iX dousins de spelte.

Les représentants Louis le stordeur, pour l’argent obtenu audicts povres l’an 1540, doibvent deux florins, payent icy pour les ans 1585-1586.

 

En 1750

Les représentants de Piere Henin, meunier de chastelet, Perpette Dethon, paye neuf dousins d’espaute comme représentant Jehan Dubois.

 

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Les rentes pouvaient être payées par plusieurs parties, mais, en aucun cas, ne devaient jamais être divisées, c’est-à-dire qu’elles devaient rester dans leur entièreté.

 

En 1612

  • Les remanants Henry Leurquin, sur les heritaiges venant d’icelluy doibvent : XI wittains de speaulte, dont à présent est passeit en cinque parts, assavoir, que Jean Lurquin le vieilhe doibt ij j partes ; que la vefve Jaspar Lurquin doibt ungme parte ; la vefve Henry Lurquin doibt la cin­quième parte.

  • Les représentants Nicolas Martin, représentant Feuillen Stordeur et le représentant Louis Stordeur et consorts doibvent et payent sans division six dousains d’épaute, lesquels représen­tants sont Chale Marque qui dobt et paye deux cincquisme parte dessusdicts six dousains ; Toussain Wauthieu une parte ; la vefve Gabriel Moureau ungne parte ; Deton Manteau et Jehan Marlier une parte selon le partage faict l’an 1621 qui se trouve au greffe de Presle.

  • Nicole Gille représentante Franchois Anciau, représentant Louis Nando, Becher, greffier de St Gerar, représentant Casbaque, doient et paye sans bénéfice de division trois florins BB Liège, le sieur Becher en paye ij florins et iiiij patars, les aultres consorts le reste.

 

Plus on avance dans le temps, plus nous observons que les emprunteurs ne se pressent pas pour rembourser les capitaux empruntés à la Table des Pauvres.

C’est ainsi que nous observons que des rentes, autrement dit des intérêts, sont payées par des descendants de la troisième génération, l’ancêtre ayant emprunté plus ou moins deux cents ans avant (sic).

 

*****

 

Dans certains cas, le revenu de la rente devait être employé à une date déterminée et à un usage convenu. Quelques exemples :

  • La vefve Colhet Servais, de Tamine, doibt sur les heritaiges venant de Lambert Gillon, un muid de spelte qu’on distribue en pain.

  • En 1612, la vefve Hubiert le Goffeax par legat faict par icelluy qui doibt estre payer en nature et distribués aux povres dudict lieu, le jour du vendredy sainct, icy un muid de spelte.

  • La mesme année, les représentants roland scisaire, scavoir, au present Martin françois, le sei­gneur de Presle, le représentant Nicaise Sisair, Jehan d’Arbre et la vefve François Lurquin dit cosin doient un muis de spelte qui doibt estre distribué par eulx mesmes à l’englise de ce lieu de Presle, le jour que on célève d oby de St Jean, aux communs povres et se doibt chanter ce ijour l oby de St Luc, l’évangéliste.

Au cours des années 1665-1686

  • Le seigneur de Presle représentant Nicaise Sisaire doibt deux cousins qu’on convertit en pain au jour st andrieu.

  • De Maroie Golvaux, représentante Jehan d’Arbre doibt quattre dousins de spelte convertit en pain au ijour St Andrieu.

  • De la vefve Collart Servais, de Tamine, sur tous ses heritaiges que possèdent à pnt (présent) Lambert Gillon, un muid de spelte qu’on distribue en pain le ijour des Cendres et dont le curé le paye en nature.

 

Lorsqu’un particulier empruntait de l’argent à la Table des Pauvres, il s’engageait à payer des rentes, mais il était question de fournir bonne et suffisante garantie répondant pour le capital emprun­té.

Cette précaution se pratique toujours lors de l’achat d’immeubles ou de terrains. L’acheteur n’ayant pas la somme nécessaire cherche un prêteur qui, par l’office d’un notaire, constitue un acte d’hypothèque, dont il sera tenu de rembourser le capital majoré des intérêts, après un certain temps.

La même chose se passe à peu près de la même façon dans les ventes à tempérament de nos jours.

Dans les actes ayant trait aux emprunts, le mambour stipulait sur quoi ou sur quel bien on pourrait se rabattre s’il y avait faute de paiement des annuités. Cela évitait des procès onéreux qui pouvaient surgir entre les deux parties.

Quelques exemples :

  • Colhet de Lamée doibt sur la terre le clousier auprès du chasteau, icy x patars.

  • Le seigneur de presles, et la vefve augustin lejeusne, représentants jehan joarlais, les représen­tants Nicolas crampe, les représentants Delcourt, doibvent sur lès preits burniaux, icy ung demy muid.

  • Les représentants Augustin Goffaux, à pnt (présent) Thomas Parent sur sa maison et hiretaiges qu’ils possèdent à Rossilly doibt demy muids et iij dousins de spelte.

  • Gorge Philippe et Joseph Martin doient et payent un florin et dix pattars BB Liège, sur la tarlette.

 

Du retard dans le paiement des rentes

En principe, les capitaux de la Table des Pauvres doivent être empruntés à un certains taux d’intérêt. Ici, il n’est pas encore question de pourcentages, comme de nos jours. L’argent est emprun­té au denier quatre, seize, etc.

La rente doit être payée chaque année à tel jour bien spécifié dans le contrat. A tout défaut de paiement de la rente, le mambour peut porter l’affaire par-devant la Cour de Justice.

Nous ne savons pas pour quelle raison de nombreux emprunteurs ne payèrent pas les rentes pendant plusieurs années. Nous avons pu nous en rendre compte en trouvant cinquante trois cas de retard de paiement.

Ni le mambour, ni les autorités, n’en indiquent la raison. Quelques exemples :

  • Les représentant des Delvaux doibvent II dousins de spelte, payé par Augustin martin et pierre lurquin pour les ans 1680 à 1686.

  • Jean Vauthion reptant jaque mahy doib II dousins iij quartes, payé pour les ans 1680 à 1686.

  • Le Sgr desmanet, de sart-eustache avec jehan renard et henry grenier et aultres doibvent un muid, payé pour les années 1680 à 1686.

  • Le Sgr du lieu doibt à la table des povres chaque années au jour st andrieu, sur tous ses biens conté en espaute qui se payent par ses fermiers depuis l’an 1665 jusques à l’an 1680 à 1683, payé 84-85 et 1686.

  • Jaspar Conseaux reptant benoist le bailleraux doibt IIII florins, payé pour les ans 1680 à 1686.

 

Conditions de continuité des rentes

Une rente due aux « Pauvres » ne pouvait être remboursée que sous la seule condition que le capital servirait à créer d’autres rentes. Les descendants ou héritiers de ceux qui l’avaient constituée pouvaient la continuer, ainsi que d’autres preneurs du capital.

 

Mise en rente par proclamation

En certains cas, la mise en rente d’un capital pouvait se faire par proclamation ou « criée » à l’église.

Elle se faisait au plus « hault offrant et enchèrisseur », toujours moyennant une garantie.

Il était coutumier que celui qui prenait en prêt l’argent des « Pauvres », payait un droit d’entrée ou de jouissance. S’il ne le faisait pas au moment de la prise, il était tenu de le faire au jour où il avait complètement remboursé le capital et les intérêts : c’était le droit d’issue.

Néanmoins, nous avons remarqué que le droit s’est appliqué dans les deux sens, c’était en somme une taxation forcée.

Lors des ventes de maisons au profit des « Pauvres », souvent une clause du contrat stipule la construction d’une étable, d’une écurie en annexe de l’immeuble. Nous n’en avons pas trouvé la rai­son. Peut-être pour la plus value de l’immeuble garantissant le remboursement et les intérêts des capitaux empruntés.

Emprunt d’argent aux Pauvres de Presles

Tous ceux qui fournissaient une bonne et suffisante caution pour payer les rentes et rembourser les capitaux pouvaient obtenir de l’argent des « Pauvres » de Presles.

Ci-avant, nous avons vu que des seigneurs, des curés, des artisans, des bourgeois et des gens de modeste condition, empruntaient de l’argent à la Table des Pauvres.

Exemple : la Communauté de Presles, donc tous les habitants représentés par leur bourgmestre, est obligée, pour une raison que nous ignorons, d’emprunter de l’argent :

« La Communauté de Presles doibt annuellement ausdicts povres, vingt six florins treize patars huict deniers, rente provenante d’un remboursement faict par gorge de bande, mambour des povres.

Le capital at esté la mesme compté et numéré par noble dominique baudry, curé et personne de prele, doyen du Concile de chastelet, montant ledict capital à cent patacons et les arrièrages volu du temps à usaige et frais de loy à soixante septz florins dix patars sans comprendre la lettre de recep­tion, partant la Communaulté est retée redevable ausdicts povres de quatres vingt cinqz florins dis septz patars.

Les bourgmaistres et communaulté de Presle at payé 26 florins 13 patars 8 deniers, cette rente se doit payer pour la première fois, le 1er ijour de juing 1686 ».

Note : il est possible que, au cours des années 1680 à 1686, la communauté presloise fut imposée à fournir des denrées alimentaires, des fourrages aux troupes françaises stationnées à Châtelet et dans ses environs. À la reprise des hostilités, Louis XIV fit prier le prince de Liège de ne point laisser passer de troupes étrangères sur son territoire et de permettre qu’on n’y logeât aucun de ses sujets « sans sa royale autorisation » ainsi que : Espagnols – Hollandais – Autrichiens (siège de Vienne, prise de Buda, etc.…). Pendant toute cette période, les réquisi­tions furent nombreuses ; les Communautés ne sachant pas y satisfaire, il fallait emprunter de l’argent pour se libérer et fournir aux réquisitions.

Ordonnance – Règlement

Une ordonnance faite à Liège, le 28 octobre 1740, par Mgr Laverdureau, réglementa l’Administration de la Table des Pauvres de Presles.

Ce règlement fixait les émoluments à payer aux eschevins, mambours, marguilliers et curés et devait servir jusqu’à sa révocation.

  1. Les distributions se feront aux pauvres par le curé et le mambour.

  2. Le mambour des Pauvres payera au curé pour les obsèques des Pauvres ce que ses prédéces­seurs ont perçu en accord avec la Justice. Un enterrement se faisait selon la classe du défunt, le prix pouvait aller du gratis à la somme de un ou même deux florins.

  3. Le marguillier tirera chaque année deux muids d’épeautre pour enseigner à l’école des Pauvres de la paroisse, à lire et à écrire pendant quatre mois.

  4. Chaque échevin qui se trouvera personnellement à la reddition des comptes des Pauvres aura trois escalins, et les absents rien.

  5. Le curé du lieu présidera la reddition des comptes à laquelle pourra assister le seigneur, l’un et l’autre assistant gratis.

 

Ecole des enfants pauvres

Sous l’ancien régime, les maîtres d’école durent donner leurs cours dans un local près de

l’église.

Nous ne pouvons en dire davantage sur son emplacement, la reconstruction de l’église en 1864 et les transformations de son environnement à cette époque bouleversèrent tout cet endroit.

 

Maître Clet ou Charles Desmanet

Il habitait au village en l’an 1677 et nous le voyons cité à ces dates dans le registre des Pauvres concernant les ans 1685-1686.

Il est toujours en fonction en 1686, car Pierre Leurquin, mambour des Pauvres ayant rendu ses comptes, a inscrit à son registre :

« à la mesme contée et déboursé à Charles Desmanet pour avoir enseignés plusieurs enfants pau­vres IIII(4) florins par ordonnance de Justice ».

En 1690, Clet Desmanet, marguillier, tenait encore l’école pendant l’hiver.

Note : la fréquentation scolaire se pratiquait pendant l’hiver. Les enfants pouvaient être libres pen­dant la bonne saison car, dans les usages et les coutumes, les enfants des deux sexes âgés de sept ou huit ans, étaient occupés à certains travaux (surtout agricoles).

 

Ordonnance pour la Table des Pauvres

Dans un règlement pour l’administration de la Table des Pauvres de Presles, année 1698-1701, l’archidiacre du Hainaut au diocèse de Liège, Piere-Louis Jacquet, évêque de Boon, ordonne que :

« le marguillier tirera chaque année deux muids d’espeautre pour enseigner à l’escolle des pauvres, à lire et à escrire quatre mois ».

Les émoluments du maître d’école sont payés en numéraire et en nature ; c’était chose couran­te sous l’ancien régime. L’association de quelques florins avec un ou deux sacs de grains et quelques fagots fixait le traitement et le barème des instituteurs de ces temps révolus.

Les maîtres d’école qui suivirent, la Table des Pauvres abolie, recevront une indemnité du Bureau de Bienfaisance, pour donner les cours aux enfants des deux sexes qui étaient reconnus pauvres, indigents.

Après 1870, il n’est plus question d’une indemnité pour enseigner à des enfants pauvres.

 

De la manière de la distribution des revenus

En principe, le revenu des capitaux était distribué aux pauvres soit en argent, soit en nature. L’excédent éventuel allait grossir la masse des capitaux.

En principe aussi, le curé de la paroisse, disposait des revenus et commandait au mambour de faire les distributions.

Néanmoins, le seigneur ou le magistrat, avait le droit, pour certaines raisons ou faveurs, de demander un secours pour aider une famille qui leur semblait nécessiteuse.

Sur les revenus étaient levées les rétributions dues au mambour, pour son office, au Magis­trat pour ses prestations, et tous les frais incombant à la gestion du patrimoine.

Nous extrayons des registres des mambours, ce qui nous a paru le plus curieux et le plus intéressant :

  • François le Cornoille était malade, sa femme reçoit une aide de XI patars sur l’ordonnance du seigneur. L’homme ne guérira pas, il sera déboursé pour son service funèbre XVI patars.

En cette année 1584, un pot de vin de VI patars le pot et XV patars de pain blanc sera distri­bué à la procession du Saint Sacrement.

La même année, la recette totale de tous les grains est distribuée à tous les pauvres, environ 20 muids. On comptait 78 chefs de famille, soit plus ou moins 60 kilos d’épeautre par ménage.

Cette année 1683, le mambour avait besoin d’un nouveau registre, il en achète un, c’est le troisième qu’il va commencer, il le paye et inscrit trois florins.

  • En 1688, le mambour paye pour la Justice, à remy mahy et henry nicolas, eschevins, j florin X patars.

  • Jaque martin ayant des dispositions pour apprendre un mestier, il lui est donné trois florins pour aller se perfectionner à Maubeuge.

  • En 1683, Jean franchois a besoing de foilars (foulards ou écharpes), trois florins lui sont donnés pour en acheter.

  • La femme à ernest mahy est malade, une aide leur est apportée pour soulager leur misère et celle de leurs enfants, le ménage recevra huict florins en deux fois, 1684 et 1687 et deux florins X patars pour les enfants en 1687.

  • Gabriel Martin qui est malade, est visité par le médecin des pauvres. Il lui ordonne des médica­ments que fournira son frère apothicaire.

  • Louis le Marlier a besoin de toile, le mambour lui en paye pour deux florins dix patars.

  • Le 13 janvier 1627, Anne Gérard recevra deux florins dix patars pour s’acheter des tabliers à barbe­telles (bavettes).

  • Une corde de bois est payée à Philippart Tilmant pendant la maladie de ledit Marlier, c’était le 29 janvier 1685.

À côté de l’aide matérielle apportée aux indigents, la Table des Pauvres participait à l’instruction des enfants en payant des maîtres.

Ce subside était encore alloué à l’instituteur Xavier Marc et Joseph Bancu, jusqu’en 1870. il fluctuait suivant le nombre des enfants pauvres qui fréquentaient l’école communale mixte.

 

Soins de santé

L’institution d’une Table des Pauvres à Presles avait pour but de recueillir des denrées alimentai­res et de l’argent pour soulager la misère dans laquelle vivaient des pauvres indigents.

Sur notre planète, chacun de nous a sa destinée et il arrive parfois, si bien que l’on fasse, si bon travailleur qu’on puisse être, un revers est vite arrivé, au moment où on s’y attend le moins.

Il arrive que l’on fasse de mauvaises affaires, conduisant l’individu à la déconfiture la plus complète, sa fortune allant à vau-l’eau, devenant pauvre et malheureux.

Autre chose, un individu en bonne santé peut devenir du jour au lendemain une charge pour la société, son état de santé peut ruiner sa fortune en la dépensant pour se soigner. Il devient de par ce fait un pauvre malheureux.

La Table des Pauvres était là pour soulager, voire guérir certains malades. Un médecin était requis pour soigner un malade. Le mambour des pauvres lui payait ses honoraires.

Au XVIIe siècle, nous relevons que l’homme appelé à soulager et à guérir les malades était nommé « le médecin des pauvres ». Il s’agissait à cette époque de maître Dupaix, demeurant à Châtelet.

Nous ne voyons pas trop bien comment ce praticien venait à Presles. S’il venait à pied, il fallait qu’il parcoure dix kilomètres aller et retour, en empruntant le chemin qui, de Châtelet, traverse toute la Basse Campagne sous la poudrière de Carnelle, qui n’existait pas encore, et venir jusqu’au lieu dit La Drève et descendre jusqu’au village qui se situait, là, dans l’environnement de l’église et du château. Mais si le malade habitait dans l’une ou l’autre dépendance, à Roselies, au hameau des Binches ou en Evresquoy (Bas-Sart), le déplacement était plus important.

Nous pensons que le médecin de cette époque se déplaçait comme beaucoup d’autres, à cheval ou au moyen d’une petite voiture tirée par son cheval, mais gare aux mauvaises rencontres, les voleurs, fripons et vagabonds hantant les routes, ne se gênant pas pour rançonner le voyageur seul ou attardé, coupant sa bourse, allant jusqu’à lui couper le cou.

Comme les médecins d’aujourd’hui, Maître Dupaix délivrait des ordonnances, prescrivant des remèdes ou des « médecines » pour soulager ou guérir les malades. Entendons par « médecines » toutes sortes de préparations aux noms bizarres, faisant penser aux poudres et produits employés par les sorciers et les sorcières pour faire le mal. Néanmoins, ces remèdes, ces thés de simples, ces sirops, dont le médicament actif était mélangé à des poudres ou dilué dans les liqueurs et les sirops, étaient en usage.

Toute cette médecine du temps passé était reconnue par le corps médical, imprimée et expli­quée dans des livres de médecine, notamment : Steph. Blancardi, Lexicon medicum renovatus, éd. 1717.

Selon la prescription médicale, le frère du médecin, anciennement « apothicaire », actuelle­ment le « pharmacien », établi aussi à Châtelet, délivrait les médicaments. Le mambour des Pauvres était tenu, par ordonnance, de les payer.

 

La Maladerie

Sous l’ancien régime, il s’agissait de trois bâtiments isolés, repris au cadastre dit français, de l’an 1812-1815.

Ils étaient destinés à hospitaliser des malades atteints par une maladie infectieuse.

Ces bâtiments, isolés, se trouvaient à l’écart, assez loin du centre du chef-lieu du village, pour que les habitants ne soient pas en contact avec des malades porteurs d’un virus dangereux.

La Table des Pauvres intervenait dans les dépenses pour le bon fonctionnement de cet établis­sement hospitalier.

Un bienfaiteur des pauvres

Adrien-Jean-Baptiste-Théodore de Lierneux, baron de Presles.

Il décéda, sans alliance, trois ans avant son père le 10 juillet 1819, à Gand.

Selon ses dispositions testamentaires, il léguait une rente annuelle de quinze cents francs, dont mille francs étaient distribués aux pauvres et cinq cents francs destinés à une école pour les enfants du village.

Il demandait que soit bâtie à l’endroit dit « Chalet », vis-à-vis du moulin banal, sur la colline, une chapelle fermée où reposeraient ses restes mortels.

 

Ratification – Arrêté Royal

 

Nous, Guillaume, Roi des Pays-Bas, etc.

Vu le testament olographe de feu Adrien-Jean-Baptiste-Théodore de Lierneux, en date du 1er juillet 1819, portant :

  1. Fondation d’une grand-messe journalière dans l’église de Presles ;

  2. Constitution d’une rente de quinze cents francs, partie aux Pauvres et partie à l’établissement d’une école ;

  3. Ordre de construire une chapelle pour sa sépulture.

Avons arrêté et arrêtons :

  1. La Fabrique d’église de Presles, le bureau de bienfaisance de Farciennes, le Conseil Communal de Presles, sont autorisés à accepter respectivement les libéralités mentionnées ;

  2. La chapelle ne sera pas construire, les capitaux seront transportés à la Fabrique de Presles, et les revenus employés en services religieux à la mémoire du testateur. (Cette clause n’était pas acceptée par les instances supérieures ; le 19 mars 1821, la loi n’autorisait plus les inhumations en dehors des cimetières) ;

  3. L’école sera soumise sur le même pied que les écoles du même genre. (L’école mixte sera ouver­te pour la rentrée scolaire de l’année 1829).

Bruxelles, le 13 mars 1822. (s) Guillaume

 

Les biens des pauvres

Après la Révolution Française, la Table des Pauvres aurait perdu des biens, c’est-à-dire des terres, des prés, des bois, etc., et même des rentes et des capitaux – donations gratuites et bénévo­les faites par testament ou autrement par de généreux donateurs.

Les dénombrements des propriétés bâties et non bâties, relevé qu’établira le cadastre en donnant les noms des propriétaires, la contenance de leurs propriétés, révèlera que les Pauvres de Presles n’ont plus qu’une terre de 51 perches 90 leur appartenant. S’ensuivent les articles concernant les Pauvres de Châtelet et les Pauvres de Charleroi, qui possèdent à Presles de nombreux biens.

Pour mémoire, nous les relèverons en les désignant ci-après.

La publication du cadastre, dit Plan P.C. Popp, 1860, ne renseigne qu’une terre de 53 ares 10 appartenant aux Pauvres de Presles, tandis que les Pauvres de Charleroi et de Châtelet possèdent toujours de nombreux biens situés dans le village.

L’anarchie qui régna au cours et après la Révolution française est probablement la cause de la perte des biens des Pauvres.

 

Suppression des Tables des Pauvres

La Révolution française (1789-1799) et l’ensemble des mouvements révolutionnaires mirent fin à l’Ancien Régime.

Elle rayait de la carte tous les anciens États souverains qui formeront la Belgique lors de notre Indépendance nationale en 1830.

Notre village de Presles, avec ses dépendances de Roselies et d’Evresquoy (Bas Sart) qui, elles,étaient namuroises, seront ressortissantes au département de Jemappe d’abord, et enfin, après 1830, seront rattachées à la Province de Hainaut.

Il va sans dire que, parallèlement à l’abolition du régime seigneurial, des usages et des coutu­mes dont nos ancêtres avaient eu la jouissance si longtemps, furent à tout jamais perdus.

Pendant des siècles, la Table des Pauvres, qui dans ses moyens soulageait la misère des indigents, malheureux ou malades, fut abolie par les Français.

 

Bureau de bienfaisance

Sous la Révolution française, la loi du 7 frimaire (an V – 7 novembre 1796), supprima les Tables des Pauvres et créa une nouvelle institution : le Bureau de Bienfaisance.

Les administrateurs furent désormais nommés par l’État. Le Préfet de Jemappe fut chargé de désigner les membres de cet organisme.

Les anciens revenus de la Tables des Pauvres furent attribués à cette nouvelle institution.

Mais combien de rentes dues aux pauvres furent perdues en ces temps troublés, et les malversations ne furent pas rares.

Dès 1806, une centralisation des Bureaux de Bienfaisance fut ordonnée.

Un bureau central fut établi à Charleroi, il contrôlait celui de notre village et ceux de la région.

En 1812, un Bureau de Bienfaisance fut installé à Farciennes ; notre localité en dépendait avec les communes de Farciennes, Pont-de-Loup, Aiseau, Lambusart et Wanfercée-Baulet.

Après l’indépendance nationale, notre village aura son Bureau de Bienfaisance particulier.

Cliché : DOC066

L’administration confiée à un comité de gestion octroya selon ses moyens des secours aux indigents.

Les distributions décidées par le comité se limitèrent aux indigents les plus malheureux du village. On leur délivrait des bons pour du charbon, du pain, du lait, des vêtements et des chaussures (sabots) et, dans des cas de grande nécessité, des soins de santé ou un peu d’argent.

L’Assistance publique, organisme administratif d’aujourd’hui, n’est plus comparable à la Tables des Pauvres d’antan, les indigents sont moins nombreux.

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Conclusion

Nous n’aimons pas faire des hypothèses ou des suppositions, qui ne conduisent pas toujours à la réalité.

Aussi, nous référant aux Archives que nous avons étudiées, tant de la commune de Presles, que de la Ville de Châtelet et beaucoup d’autres, nous pouvons dire que des capitaux-argent étaient placés en rente au XIIIe siècle, la façon et la manière de faire s’étant perpétuée jusqu’à nos jours.

La Table des Pauvres, le Bureau de Bienfaisance qui s’ensuivit et l’Assistance Publique, furent des organismes utiles et rendirent de grands services en aidant les pauvres, les soulageant dans leurs misères et leur pauvreté.

 

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Sources

Archives Communales de Presles

Archives de l’Eglise de Presles

Archives des Communs Pauvres de Presles

Archives du Bureau de Bienfaisance de Presles

Archives de la Ville de Châtelet

Archive de l’Etat à Liège, à Namur, à Mons, à Bruxelles

Registres Paroissiaux de Presles, aux Arch. Et. Mons

Archives particulières-privées d’anciennes familles de Presles.

Steph. Blancardi – Lexicon Renovatum, 1717

Darras – Histoire de la Ville de Châtelet, 2 vol.

1 Publié en 1988 in Presles, la Table des Pauvres

Ndlr. Certains passages de cette publication reprennent des passages relatifs au thème en général plus qu’à Presles : nous ne les retenons pas ici.

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